Laprée, un lieu de représentation

Le château est une déclaration de puissance. Il marque le territoire de sa masse, de sa verticalité, de ses symboles d’autorité et constitue avec les châteaux voisins autant de points d’articulation de la sociabilité et des relations sociales avec les communautés vilageoises. Il est un espace d’autorité parce qu’il renvoie dans son ancienne acception à l’enceinte féodale qui protège des périls extérieurs mais qui aussi isole, sépare le subordonné et le directif^[1].

Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing prend soin de maintenir la vieille tour qui atteste en quelque sorte aux yeux du monde de l’ancienneté de la famille, sa porte cochère et le vieux quartier voisin. Il garde aussi les vieux vestiges féodaux : les fossés, le pont-levis et ses grosses poulies de cuivre, la grosse tour… Il conserve le colombier, orgueil nobiliaire et vestige de l’ancien château faisant le contrepoint de la chapelle. Le domaine est équipé d’un four pour faire cuire le pain, monopole seigneurial. Une double rangée d’arbres borde l’avenue conduisant au château : Dominique-Jean-Jacques est attaché à ce symbole d’autorité, consignant son souhait de planter cette double allée de soixante-dix pieds dans le bail de la ferme de Laprée en 1737. Un sentier privé mène aussi du château à l’église de Quiestède, le connectant ainsi symboliquement au mystère et au sacré. On accède au château par une grande porte de grès cintrée l’isolant de l’espace paysan et villageois. Il y a aussi les deux girouettes, privilège nobiliaire, dont une dorée et armoriée, livrées par le lillois Lerouge en 1741 pour les toits du château. Ce n’est qu’au début du XIX^e siècle, après les affres de la Révolution, que Louis-Dominique-Arthur de Lencquesaing (1809-1887) a le souci de dépouiller Laprée de son apparence féodale et de lui donner l’aspect plus lisse d’une cossue maison des champs à l’anglaise.

Karl-Michael Hoin, 2020.

Note :

[1]. – Philippe GRANDCOING, Les demeures de la distinction. Châteaux et châtelains au XIX^e siècle en Haute-Vienne, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1999, 391 p.