Un certain maître May a été au XVIIIe siècle le jardinier de Laprée, accompagnant Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing (1706-1776) dans son goût pour les arbres, créant pépinières, organisant escadrons serrés de chênes et d’« espriaux », c’est-à-dire des petits arbres montants, généralement des ormes et des peupliers blancs. Le maître des lieux a aussi le goût des arbres à fruits, faisant planter à Laprée des pommiers et des cerisiers. Il tente d’acclimater aux rigueurs du Nord des arbres plus habitués à la douceur de la Méditerranée : un abricotier, des pêchés, des brugnoniers… Le jardinier doit satisfaire la demande du maître d’arbres à la mode, de maturités de cueillette différentes, de fruits de différentes gardes également. Quoique l’on dise que l’on ne plante que pour ses enfants, Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing a rapidement le plaisir de voir sa maison remplie des fruits que ses plantations lui donnent et qu’il offre à son entourage, affirmant ainsi son savoir-vivre.
De son temps, le jardin de Laprée est à la française, organisé en de multiples carrés de pelouses rectilignes, pensé comme un havre de paix loin du bruit du monde. Ses plates-bandes bien ordonnées, ses espaliers maintenus, doivent être lus comme une représentation de l’éducation, de l’ordre, de la propreté du maître de maison. La cour du château est agrémentée d’une importante fontaine dans le goût rocaille commandée dès la construction du château (1737) et posée sur un puits artésien que vient forer un entrepreneur de Saint-Omer[1].
Au début du XIXe siècle, le jardin est repensé par Louis de Lencquesaing (1763-1854) pour remplir la vue depuis les pièces de réception de Laprée et, à la fois dans le goût du temps et par mesure d’économie d’entretien, tracé à l’anglaise de part et d’autre de la rivière La Melde et de ses frémissements argentés… Souvent obstruée de plantes aquatiques qui entretiennent chez le promeneur le sentiment impressionniste, entourée de grands arbres qui lui donnent un fond d’un vert sombre, la pièce d’eau a été creusée à la génération suivante par Arthur de Lencquesaing (1809-1887). La terre extraite a servi ensuite à combler les fossés de l’ancien château.
Karl-Michael Hoin, 2021.
Note :
[1]. – Communication de M. Mathieu Fontaine. Acte par lequel Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing (1706-1776), bâtisseur de Laprée, confie en 1737 le percement d’une fontaine dans le jardin du château à Philippe-Joseph Rogier, entrepreneur, maître-charpentier (fils de Noël et d’Antoinette Flahault, époux de Marguerite-Joseph Deleforterie). AM Saint-Omer, 4B5/882.
Page révisée le 29/10/2021. ©Karl-Michael Hoin, Avant Laprée, 2021.